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Le journal d'Alexandre.

 

Sénégal - Premier voyage

Dakar, 16 janvier 1983

Deuxième journée au Sénégal. J’y suis arrivé vendredi vers 17h30. Après les formalités et le change, j’ai pris le bus avec un couple de Français. Nous avons trouvé assez rapidement un hôtel, le Globe, où l’on a rajouté un lit dans une chambre de deux. 7000 F.CFA. (Le change était alors de 50 Francs CFA pour 1 Franc français). Un petit tour dans la rue Pompidou, premiers contacts avec les « Banabanas » (petits marchands à la sauvette), nous grignotons une salade puis nous allons nous coucher.

Le lendemain, samedi, après un petit déjeuner à l’hôtel, nous allons à l’office du tourisme (bon accueil, mais peu de renseignements) puis à la poste où j’espère avoir une lettre de Sylvain. J’y rencontre un type qui connais mes frères ! mais pas de lettre pour moi. L’après-midi, bien repus d’un riz au poisson excellent, nous allons à la médina où nous prenons un premier bain d’exotisme avec en particulier le marché Tilène. Retour à pied par la mosquée et les boutiques du marché Sandaga. Nous terminons l’après-midi au bord de la mer « plage des enfants », endroit de tout repos. Le soir, nous mangeons quelques fruits puis terminons la soirée devant un thé en se laissant distraire par le manège de la foule nocturne : inévitables banabanas, prostituées Gambiennes, mendiants... Nuit de tout repos à l’hôtel Central.

Ce matin, nous nous séparons vers 11h, j’ai quelque mal à trouver le bon bus pour Yoff et je laisse passer l’arrêt du village pour me retrouver à l’aéroport, je regagne le village par la côte. En face des îles, je peux marcher pieds nus dans le sable mouillé, au milieu d’enfants plus ou moins nus qui jouent dans les dernières vagues. Au large, de gros rouleaux impressionnants.

Je remets mes chaussures sous une place couverte où je suis aussitôt entouré d’enfants. « Monsieur regarde !» et c’est une danse du ventre que me mime un gamin. Un autre, avec une raquette en bois, me mime un chanteur yéyé et sa guitare.

Je fais un petit tour dans le village de Yoff très animé. Puis, après avoir mangé un maffé au riz, je reprends le bus pour Dakar. Du côté de la médina, le bus est plein à craquer. J’ai à côté de moi un magnifique garçon noir d’une douzaine d’années. Sa langue rose saumon derrière des dents blanches éclatantes égaye son sourire dont il n’est pas avare. Il descend à l’entrée de Dakar et me fait un petit signe amical de la main.

 

17 janvier 1983

J’ai les pieds en sang, mais je suis bien. Ce matin, toujours pas de nouvelles de Sylvain, je lui ai laissé une lettre à la poste, puis après avoir acheté des sandales, je suis parti à pied vers la côte ouest. Accompagné d’abord par un noir avec qui j’ai pu discuter un peu, j’ai ensuite longé la corniche, seul. Au niveau de l’université, j’ai encore discuté un moment avec un jeune (désir d’aller en France). J’ai continué sur le bord de la route jusque vers l’embranchement pour la pointe. Je commençais à avoir faim et soif et j’ai trouvé un restaurant tenu par des blancs, mais aux prix abordables et j’ai pu manger sur la terrasse. C’était très bon (papaye au citron, sole meunière, salade de fruits locaux).

Après cette halte repos, je suis reparti pour Ngor dans lequel je suis arrivé par derrière. J’ai ainsi pu suivre les toutes petites rues étroites surprenant à tout moment des scènes quotidiennes. Repos à nouveau sur la plage (envahie de blancs) où j’ai lu un peu après avoir baigné mes pieds. Retour en bus...

... J’ai acheté des fruits pour le repas du soir, je n’ai pas trouvé de petite cuillère. Tant pis, obligé d’en voler une au grand café de Paris dont la patronne est une blanche. Je l’ai « payée » au petit mendiant handicapé.

 

22 janvier 1983, toujours à Dakar.

Sylvain est arrivé mercredi soir, accompagné par Mr V. (le père d’un collègue de travail à qui j’avais apporté des nouvelles de son fils et dont j’avais donné l’adresse à Sylvain). Il n’a pas encore reçu à sa banque l’argent qu’il s’était fait virer ce qui va nous bloquer un peu à Dakar. C’est dommage car j’aurais bien aimé en partir déjà. Il y avait, hier au soir vendredi, un bateau pour la Casamance.

Mercredi, j’étais allé à Kayar. Voyage exotique surtout au retour où nous étions entassés dans une camionnette (jusqu’à 18 sur le plateau arrière). Kayar est un village de pêcheurs, construit moitié en huttes moitié en dur, je me suis longuement promené partout, avant d’aboutir à l’auberge des cocotiers, seul client avant que n’arrive un troupeau de touristes.

Après-midi passé sur la plage à regarder arriver les pêcheurs, tirer leurs barques et les monter sur la plage en les faisant osciller en va et vient. Aussitôt la pirogue en place, les femmes interviennent pour la vente du poisson.

Je m’étais allongé sur le sable au milieu d’une foule de pêcheurs, enfants, seul blanc. Tout près de moi, un jeune noir a senti plusieurs fois mon regard et est venu me proposer l’amour , tout simplement.

Hier, visite du musée.

 

23 janvier.

Hier, nous sommes allés voir des anciens amis de Sylvain : une femme blanche avec ses trois enfants métis. Nous avons discuté un moment et bu le café ensemble. Ensuite, nous sommes revenus vers Dakar à pied et nous sommes arrêtés sur une petite plage. J’ai pu m’y baigner. Nous avons rapidement été entourés d’une bande de gosses tous aussi beaux les uns que les autres. J’ai joué avec eux dans le sable. Sylvain jouait à des jeux moins innocents qui me gênaient un peu. Il a réussi à se faire voler 4500 CFA. C’est même certains gamins qui le lui ont dit, ils sont aussitôt partis courir après les voleurs, puis sont revenus un long moment après.

En fin d’après-midi, il ne restait que deux petits qui avaient joué nus sur la plage. Le plus grand des deux, 9 ans, était très beau. Je garderai sûrement le souvenir de sa silhouette devant le soleil couchant.

Ma nuit a été agitée.

(Aujourd’hui, vingt ans après, je revois très bien la silhouette du gamin de 9 ans qui s’était r’habillé, à la sénégalaise, d’un pantalon et d’une chemisette de toile légère ; si légère que le contre-jour dans le couchant laissait deviner tous ses charmes. Mais, mes jeux à moi, dans le sable, étaient-ils si innocents que cela ? ; je me souviens que j’avais fait un tunnel dans le sable dans lequel je serrais tendrement, avec force sourires,  la main d’un beau garçon de douze ou treize ans et je me souviens que d’autre gamins, en riant, se montraient l’état dans lequel me mettaient ces jeux « innocents ». Il m’a fallu courir jusqu’à la mer pour remettre un peu d’ordre dans mon short, d’où la nuit agitée !)

 

Soir.

Passé la matinée sur la grande jetée face à Gorée. L’après-midi, nous allons à Tiaroye où Sylvain espère rencontrer d’anciennes connaissances. Effectivement, alors que nous avancions sur la plage au milieu d’une bande de gosses, incroyable ! , un jeune homme reconnaît Sylvain. Ils discutent longuement, tous les gamins ont rappliqué autour de nous pour ma grande joie. Nous allons ensuite voir sa famille, puis nous discutons dans leur maison et ensuite dans sa chambre. Ce sont des baraques en planches qui de l’extérieur pourraient faire bidonville, mais bine aménagées intérieurement. Dans la salle de séjour il y a un canapé, deux poufs et un bahut, sa chambre est minuscule : le lit, et juste de quoi poser les jambes à côté, mais le tout à dix mètres de la mer. Il nous propose de nous accompagner en Casamance ?

Nous buvons ensuite un coup avec Sylvain, avant de revenir sur la plage à l’autre bout du village. Il y a là beaucoup moins de monde. Des femmes répandent sur le sable des tout petits poissons afin de les faire sécher au soleil, sans doute pour servir d’engrais par la suite. Des petits s’amusent à la lisière des vagues, j’essaye de discuter avec eux, mais il ne semblent pas comprendre et me répondent en Ouolof. Sur le sable, à côté de nous, un garçon est allongé dans une pause provocante. En fin d’après-midi, il attend toujours semblant vouloir s’offrir, mais il réclame seulement 50 CFA.

 

25 janvier

La journée d’hier n’a rien de spécial à signaler.

Le matin, simple promenade dans Dakar du côté du marché Sandaga. Regards sur les couturiers (ils sont des dizaines à travailler, chacun devant sa machine à coudre, (que des hommes ou des garçons jusqu’à dix ans) avant d’aller manger dans le petit « Restaurant moderne » où nous avons déjà été plusieurs fois. Nous avons vu aussi un magnifique tronc de fromager près duquel un marchand fait du kinkéliba (le thé local) que nous allons goûter ce matin avant de partir pour Ziguinchor.

L’après-midi, Sylvain a pu retirer de l’argent à la banque. Nous avons bu une bière avant d’aller voir son ami qui dirige l’école de peinture. Bain de mer dans l’anse des Madeleines.

 

26 janvier

Journée d’hier harassante, en taxi brousse (une 404 dans laquelle nous étions serrés à trois devant) avec la chaleur et la poussière. Je suis arrivé à Ziguinchor, après 7 heures de route, avec un bon mal de crâne et une soif terrible.

Tout au long de la route, ce n’est que la brousse avec surtout des baobabs, beaucoup de termitières, quelques fromagers.

Traversée de la Gambie sur un bac. La Gambie et la Casamance que nous traverserons un peu plus loin sur un pont, sont aussi larges que le Rhône. Sur la Gambie, j’ai pu voir de grands vols d’oiseaux, sous le pont de la Casamance des pirogues avec des pagaies en forme de lance.

Aujourd’hui, après une matinée à chercher des idées, nous avons enfin pu trouver un taxi pour Enampor. Nous allons dormir ce soir dans la case à impluvium. Tout à l’heure, pendant que j’écrivais le début de la journée, tout en sirotant une bière, surprise : le couple de Français avec qui j’ai débarqué. Dans tous les voyages, on se retrouve toujours ainsi.

 

27 janvier

Je me lève vers 7h et je sors aussitôt de la case. Le jour se lève à peine. Il reste encore quelques étoiles. Le concert de la nature commence avec les chants des coqs.

Après un petit déjeuner en commun avec les autres touristes, nous partons vers le village proche : Séléki, par un chemin de sable où nous croisons des femmes portant toujours sur la tête diverses choses, accompagnées par des tout petits d’âge préscolaire. Le tourisme est assez important ici, car les petits sont habitués à quémander « bic, bic ? 100 francs ? »

Au village, nous retrouvons un Diola rencontré hier au soir, il nous montre la maison qu’ils sont en train de construire puis nous mène vers son cousin (déjà rencontré aussi) que nous trouvons perché dans un palmier, en train de couper des palmes, sans doute pour la construction. Ils nous présentent la famille (ils sont tous parents entre eux, ici) puis nous fait visiter le village. En particulier, une case à impluvium authentique celle-là (droit d’entrée 200 CFA, ils ne perdent pas le sens des affaires !). Un peu plus loin, nous traversons la cour de l’école un peu étonné de trouver là une grosse centaine de gamins, surtout qu’à Enampor il y a aussi une école.

Je commence à me familiariser avec la végétation locale, manguiers, fromagers, baobabs (moins imposants que ceux de la région de Dakar) et surtout beaucoup de palmiers. Denis nous montre aussi des pommes de Cajou dont l’amande (extérieure au fruit) fait la noix et cet arbuste : le kinkéliba qui fait leur thé national.

Nous faisons ensuite un petit tour en pirogue au milieu des palétuviers. C’est un petit paradis où rien ne manque : poules, canards, cochons, chèvres et bien sûr poissons sans parler de tous les fruits qui ne demandent qu’à être cueillis. Nous nous quittons, non sans nous promettre de nous écrire et même de nous revoir, car l’idée germe en moi de revenir bientôt essayer de faire un reportage photo sur la région. Bien sûr, avant de nous quitter, Denis s’arrange pour demander quelques pièces (pour les cigarettes), mais c’est de très bon coeur que je les lui donne après une aussi agréable matinée.

Déjeuner à nouveau dans la case à Impluvium avec les hôtes cette fois-ci car nous sommes les seuls touristes.

 

28 janvier - Affiniam

J’écris de nouveau d’une case semblable, bien que plus vaste, ce qui est moins bon pour arrêter la chaleur.

Hier au soir, promenade très sentimentale au clair de Lune avec un charmant garçon de douze ans.

Ce matin, merveilleuse promenade dans les bolongs avec la pirogue. Tous ces oiseaux qui nous regardaient passer à quelques mètres, sans même bouger une aile ! Vols des pélicans, des cormorans, des hérons ou autres oiseaux inconnus. Etrangeté des palétuviers posés sur l’eau tels des échassiers, avec une longue patte et plusieurs doigts et dont les branches même, laissent tomber dans l’eau de longs doigts filiformes.

 

29 janvier

La case d’Affiniam est du même type que celle d’Enampor, mais plus grande. Quand nous y arrivons, elle est assaillie par un groupe de touristes canadiens qui partiront après midi. Vers midi, nous voyons arriver le couple déjà rencontré à Enampor et à Ziguinchor. Nous mangeons ensemble, puis après avoir bu du vin de palme (offert par Jean-Eustache) et avoir laissé passer le plus gros de la chaleur, nous partons en promenade dans la forêt tous les quatre.

Les gens d’ici sont plus accueillant qu’à Enampor, ils ne demandent rien. Je suis resté assis un long moment au milieu des garçons du village qui discutaient sur un banc à l’ombre de l’auvent de la case. Ils jouaient d’un arc musical de leur confection.

Pendant la promenade, des tout petits sont venus nous accompagner en nous tendant la main spontanément. Une fois, quand même, une femme a crié quelque chose et aussitôt les enfants qui me tenaient la main l’ont lâchée.

Nous avons été jusqu’au village d’Affiniam où se trouve un centre d’exploitation agricole et au retour des jeunes qui y travaillent étaient avec nous.

Nuit très reposante, dans le calme. Matthieu, le gérant de la case, nous a fait goûter des « konis », fruits du ronier. Seule la gélatine qui se trouve dans les trois parties du fruit est bonne et légèrement sucrée.

Maintenant, nous attendons une hypothétique pirogue qui devrait nous ramener à Ziguinchor...

 

16h. Toujours pas de pirogue, elle était prévue à 11h et quand nous sommes arrivés, vers 10h ¼, il y avait déjà un voyageur qui attendait. Vers 11h effectivement, deux femmes arrivent avec des gosses, puis d’autres voyageurs un peu plus tard encore qui nous disent qu’elle doit venir vers 13h ou 14h. Alors, nous attendons. A 14h30, l’un d’eux se décide à partir louer une pirogue ; quelques minutes plus tard d’autres lui courent après pour lui dire que c’est inutile, ils avaient entendu un bruit ! 15h toujours rien.

« Attendons un peu, il y a un bruit »

Maintenant, il est reparti avec son vélo chercher un moteur pour une pirogue. Il n’est pas du tout sûr que nous soyons ce soir à Ziguinchor. Pourtant, aucune impatience. Une des femmes trie des régime de palmiers, les autres causent.

 

31 janvier

Finalement, nous sommes partis vers 16h30 à huit dans une petite pirogue avec un moteur 8 ch. Autant de plaisir qu’à l’aller pour contempler les oiseaux.

Hier, dimanche, le matin visite du marché qui était très fréquenté. Après manger, nous prenons le café à l’hôtel où nous retrouvons l’Américaine, puis arrive un Français accompagné d’un garçon déjà rencontré. Nous reprenons un café en discutant. Calme !

Vers 16h30, je pars seul faire un tour sur le pont. Beaucoup de méduses, ternes, descendent la Casamance. Le soir, après souper, nous retrouvons le petit ami de jeudi soir. Il nous accompagne jusqu’à l’hôtel puis au moment de se dire au revoir je lis dans ses yeux un désir qui est aussi le mien. Alors, nous partons vers un terrain vague...

J'avais bien trop résumé cette soirée, il y a vingt ans ! En fait, pendant que nous rentrions vers l'hôtel, ce jeune garçon que j'accompagnais, tendrement, la main sur l'épaule, a été plus entreprenant que moi. S'assurant, d'un contact, qu'il ne se méprenait pas sur l'effet qu'il me faisait, il m'avait assez rapidement ouvert la braguette et y avait glissé sa main. Bien sûr, je l'ai aussitôt imité, il faisait nuit et nous ne nous sommes pas trop inquiétés du monde que nous croisions. Et c'est bien parce qu'on ne l'a pas laissé rentrer à l'hôtel que nous avons continué vers ce terrain vague. Nous nous sommes couchés dans l'herbe, il y avait un peu plus loin des gens qui discutaient et... je n'ai pas été très brillant... Bien plus tard, j'ai su en correspondant avec Sylvain que c'était lui, qui comprenant qu'il fallait me déniaiser, avait un peu poussé ce brave garçon à faire les premiers pas.

Aujourd’hui, nous aurions dû prendre le bateau, mais il a été retardé de 24h. Rien de spécial, sinon une promenade côté aéroport puis retour par des quartiers sans doute peu fréquentés par les touristes à lire l’étonnement des gens. Sensation de paix, de bien être, quelques mots échangés de-ci de-là, quelques rires.

 

1 février 1983 21h45 - Sur le bateau « Casamance Express »

Début de trajet formidable. Pour commencer : l’embarquement à Ziguinchor très folklorique et très coloré, comme tout ici. Vers 14h, ils commencent à relever le pont arrière ce qui fait accélérer les gens, qui pour embarquer, qui pour quitter le navire. Il reste pourtant encore beaucoup de sacs, paniers, ou fruits, poissons à embarquer et même une voiture.

Quelques minutes plus tard, ils lèvent définitivement le pont et commencent à larguer les amarres, mais pas plutôt la maneuvre terminée, un taxi arrive avec deux passagers, cris, on redescend le pont, ils embarquent, on remonte le pont. Il ne reste plus qu’une amarre, quand un autre passager arrive, son sac à la main. Cette fois, c’est une échelle de corde qu’on lui lance du pont arrière. Il n’est pas des plus dégourdis et cela fait une occasion de plus de rire pour tout le monde, aussi bien à quai que sur le bateau. Enfin, nous partons.

Temps magnifique, pas trop de monde, aussitôt les femmes sortent l’éternel tiéboudiène (riz au poisson) et se mettent à manger entre les tables.

Je vais à l’avant et regarde longuement défiler les berges de palétuviers. Au niveau de la pointe St Georges, nous avons droit à un vrai festival de dauphins. Il y en a partout, une bonne centaine, et ils sautent deux à trois fois leur longueur, des bêtes d’au moins 2 à 3 m de long. Parfois, trois ensemble font un petit saut. Le spectacle dure cinq minutes, intensément, mais pendant une demi-heure je continue à en voir ce-ci, de-là, faire un petit saut.

Nous arrivons enfin à Carabane où le bateau mouille au large, près de l’Africa Queen, un bateau de croisières. Presque aussitôt des pirogues se détachent de la côte et s’approchent de nous. Il y en a une bonne douzaine, toutes chargées à raz de l’eau et elles viennent s’accoster au bateau, de chaque côté. C’est alors une ruée vers le bateau depuis toutes les pirogues à la fois, aucune organisation, les marchandises de toutes les pirogues sont passées dans le bateau, tandis que des enfants écopent. Une des pirogues est tellement chargée que l’eau n’est qu’à 2 ou 3 cm du bord, mais tout se passera bien.

Je vois soudain arriver une petite embarcation sur laquelle je reconnais le couple du premier soir, troisième rencontre. Ils sont aussitôt avalés par le bateau au milieu des noix de cocos, de palmes, des poissons séchés.

Une fois les pirogues déchargées, elles s’en vont une à une, non sans que leurs passagers nous fassent un signe de la main, puis le bateau repart.

Le soleil couché (il avait une magnifique tache), nous allons manger tous les quatre au restaurant, un vrai menu de seigneurs, ce qui ne nous était pas arrivé depuis pas mal de temps.

Je viens d’aller faire un tour sur le pont avant, pour regarder les étoiles, mais l’horizon est brumeux, je ne peux pas voir la polaire. Au sud, sous Orion, je peux voir a Car (Canopus).

J’écris du pont arrière où l’exotisme bat son plein ; rires, chants, rythmes, des enfants ou des femmes qui dorment à même le sol, roulés dans des couvertures d’occasion, d’autres qui mangent encore. Tout près de moi, une femme est en train de manger un crabe...

(En tapant ce texte, en 2003, je ne peux pas m’empêcher d’avoir une pensée émue pour la tragédie du Joola qui en septembre 2002 a fait plus de 1800 victimes en sombrant, sur le même itinéraire, entre Carabane et Dakar. Tous mes amis sénégalais y ont perdu des êtres chers)

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